Une forme de traite des enfants en Haïti: Le business des Orphelinats

by | May 25, 2014

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About Rachel Belt

Dans les prochaines semaines, le Sénat haïtien va voter, pour la première fois, sur le projet de législation anti- traite. Le projet de loi rendrait illégal le mouvement des enfants et des adultes aux fins d’exploitation et punirait les trafiquants avec des peines allant jusqu’à quinze ans d’emprisonnement. La législation anti- traite a été en préparation depuis 2007, suite à la signature du Protocole de Palerme en Haïti en 2005. Quand je suis rentrée en Haïti au printemps de 2013 pour réaliser ma recherche sur la traite des enfants avec l’agence gouvernementale de protection de l’enfance, l’IBESR, il était clair que la rédaction de législation était au nombre des nombreux efforts qui ont été déployés par le gouvernement haitien et ses organismes partenaires pour lutter contre l’exploitation des enfants dans le contexte d’un pays très pauvre qui récupérait difficilement d’une catastrophe majeure.

Le gouvernement haïtien, avec l’aide de l’UNICEF, a étendu la présence de l’ IBESR dans les dix régions d’Haïti depuis 2010, a exigé davantage de documentation pour franchir les frontières avec les enfants et renforcé la Brigade de protection des mineurs, une force spéciale de la Police nationale qui gère les problèmes spécifiques aux enfants. Le gouvernement a également signé et ratifié la Convention de La Hague et adopté une nouvelle loi sur l’adoption le 29 août, 2013, qui régit le processus d’adoption en Haïti et en améliore la transparence.

Cependant, le problème de la traite des enfants en Haïti demeure une grosse menace, avec des estimations de victimes dans les centaines de milliers. Les cas de traite d’enfants sont souvent difficiles à discerner, parce que les enfants sont souvent envoyés chez des parents, des amis, des soignants ou des orphelinats en échange de leur scholarisation ou pour soulager la pauvreté dans la maison. Plus de 50% des Haïtiens vivent dans l’extrême pauvreté, avec moins de 1 $ par jour.

La recherche a identifié quatre principaux types de trafic d’enfants en Haïti: enlèvements, ou la détention d’un enfant contre son gré à des fins illicites ou avantage matériel “Restaveks” ou des enfants utilisés dans le travail domestique (estimations sont comprises entre 88,000-500,000), l’utilisation des orphelinats comme des institutions d’hébergement / entreprises pour l’adoption illégale, et le mouvement des enfants vers la République dominicaine ( environ 2.000 enfants chaque année) ou d’autres pays à des fins de prostitution , d’adoption illégale ou de travail domestique.

La question du recrutement des enfants dans les orphelinats à des fins d’exploitation (“l’orphelinat comme une forme de business“) reflète un développement nouvellement observé dans le domaine de la traite des enfants et un fait qui actuellement n’est pas pris en compte par de nombreux organismes nationaux et internationaux de protection des enfants. Les bénévoles, les groupes religieux et les petites agences soutiennent et apportent leurs donations à ce qui peut être une entreprise corrompue et dangereuse pour les enfants, les parents adoptifs potentiels et les parents biologiques de l’enfant. Les enfants peuvent être recrutés activement dans des familles ou parents pauvres qui peuvent volontiers les envoyer à des “orphelinats” pendant les périodes difficiles , avec l’espoir de les ramener à la maison quand la situation financière de la famille s’améliore. Plus de la moitié des 30 000 enfants vivant dans des orphelinats ou des centres de soins résidentiels en Haïti ont au moins un parent biologique vivant et 80% ont un parent proche.

Pour contrôler cette entreprise illicite, la définition de la traite des enfants doit être interprétée dans un sens non conventionnel. Bien qu’il existe encore de nombreux enfants utilisés pour le travail domestique en Haïti, qui est considéré comme la définition classique de la traite, beaucoup plus peuvent être séparés de leurs parents, adoptés illégalement ou exposés à l’attention des donateurs potentiels afin qu’ils mettent des fonds dans les mains d’hommes d’affaires se présentant comme propriétaires d’orphelinat bénévoles.

Les enfants sont utilisés pour obtenir illégalement des fonds ou de l’argent donnés, collectées via leur adoption illégale dans certains orphelinats. J’ai rencontré des mères qui avaient envoyé leurs enfants à des orphelinats sur une base temporaire, pour apprendre plus tard qu’à leur insu, leurs enfants ont été adoptés dans un pays lointain. Espérons que les récentes améliorations de la loi sur l’adoption, qui comprennent une recherche approfondie par l’IBESR de tous les parents encore vivants, permettront d’éviter d’autres séparations. Cependant, les paiements d’adoption versés directement aux orphelinats ne sont pas réglementés et l’IBESR n’a pas les moyens nécessaires pour changer cette situation.

Toute intervention visant à contrôler les orphelinats doit être équilibrée avec la reconnaissance du fait qu’Haïti et des pays de standing socio- économique similaire ont de nombreux orphelins authentiques qui doivent être protégés et soignés dans les centres de soins résidentiels. Le règlement de ces centres doit être transparent pour les donateurs et les bénévoles, et pas seulement pour les fonctionnaires des administrations locales, qui peuvent être éventuellement séduits par la “grosse entreprise” (“the big business”) que représentent les orphelinats.

Rachel Belt est basée à Port-au-Prince, Haïti, où elle travaille au bureau du Premier Ministre d’Haïti. En 2013, elle reçoit son master en gestion humanitaire du Liverpool School of Tropical Medicine. Elle a un certificat en migration forcée de l’Université d’Oxford et un diplôme en sciences politiques de l’Université de Columbia. Son travail est centré sur la protection des enfants et sur la gestion humanitaire. Avant, elle travaillait chez Médecins Sans Frontières, pour la Projet Medishare d’Haïti, pour l’Initiative Internationale pour un Vaccin contre le SIDA, et chez l’Organisation Mondiale de la Santé à New York, en Haïti, à Genève et en Ouganda.

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