L’Intérêt Supérieur de l’Enfant doit demeurer ‘Primordial’ lorsqu’il s’agit de migrants

by | Mar 13, 2025

author profile picture

About Isaac Mittoo

Isaac Mittoo is a current postgraduate student at the University of York. He has previously studied at the University of Cambridge and the Université de Poitiers (France).

Le principe de l’Intérêt Supérieur de l’Enfant constitue la pierre angulaire des droits des enfants ; cependant, c’est problématique que les tribunaux se montrent moins enclins à le faire respecter dans les affaires de migration. L’affaire récente du ‘Court of Appeal’ de Royaumme-Uni, Secretary of State for the Home Department v EK constitue l’un de ces exemples dans lesquels l’équilibre entre le principe de l’Intérêt Supérieur de l’Enfant et les considérations politiques générales est inapproprié.

L’affaire de EK portait sur la question de savoir s’il fallait ordonner des mesures provisoires après que des enfants (dont l’un était EK) eurent été séparés de leurs parents lors de leur entrée illégale au Royaume-Uni à bord d’une embarcation de migrants, les parents étant restés en France. ‘The Court of Appeal’ a jugé qu’il n’était pas nécessaire de réunir les parents et leurs enfants au Royaume-Uni.

Cette décision pose problème pour deux raisons. Premièrement, la Cour n’a pas suffisamment pris en compte les droits des enfants et, deuxièmement, elle a accordé une trop grande importance à des préoccupations politiques non étayées.

Tout d’abord, la Convention Relative aux Droits de l’Enfant consacre le principe de l’Intérêt Supérieur. Ce principe est incorporé dans le droit de Royaume Uni par l’Article 55 de la Borders, Citizenship and Immigration Act 2009. Dans le contexte de l’immigration, il a été interprété comme une « considération primordiale » (selon ZH (Tanzania), paragraphe 11). Dans l’affaire EK, la Cour a examiné les preuves fournies par plusieurs assistants sociaux et par des psychiatres, lesquels ont constaté la détresse sévère subie par les enfants (paragraphes 25, 29 et 44). Celle-ci résultait à la fois des événements dramatiques liés à leur séparation de leurs parents, de la crainte que leurs parents aient été tués et des préjudices engendrés par une séparation prolongée. Il apparaissait clairement au juge de première instance que les preuves indiquaient en faveur d’une réunification (paragraphe 29).

Bien que M. Underhill LJ (dans l’affaire EK) ait reconnu ces constats, la Cour s’est appuyée sur le fait que les enfants se trouvaient désormais dans une famille d’accueil stable pour justifier l’absence de nécessité de réunification. Elle a ainsi omis d’évaluer les conséquences du maintien en famille d’accueil, notamment le risque que la réunification ultérieure (potentiellement dans un pays étranger) soit encore plus déstabilisante pour les enfants. Ce choix révèle que la Cour n’a pas véritablement pris en considération les éléments probants relatifs au bien-être des enfants lors de sa décision (paragraphe 61).

Deuxièmement, l’accent sur le bien-être des enfants a été insuffisant en raison de considérations politiques concurrentes. Le gouvernement britannique s’inquiétait de l’effet que cette décision pourrait avoir sur les activités des entreprises de petites embarcations transportant des migrants à travers la Manche. La Cour a accordé un poids considérable à ces préoccupations politiques (paragraphe 54), alors même que les inquiétudes relatives aux effets sur le trafic de migrants n’étaient que des suspicions non étayées. Cette situation est plus problématique parce que la décision ne portait que sur des mesures provisoires visant à réunir la famille, mesures qui auraient eu un impact moindre sur le fonctionnement des petites embarcations qu’un jugement définitive. Selon ZH (Tanzania), la Cour ne devrait accorder plus de poids à aucune autre considération que au l’intérêt supérieur de l’enfant. Quand on considère les preuves, ce principe n’a manifestement pas été respecté dans l’affaire EK.

En permettant que les droits fondamentaux des enfants soient ainsi facilement supplantés par d’autres considérations politiques, la Cour a établi un précédent dangereux. Dans d’autres contextes, les droits des enfants revêtent une plus grande importance. La Children Act 1989, Section 1(1), place le bien-être de l’enfant en tant que considération de « primauté » et « unique » de la Cour (selon Lord MacDermott dans l’affaire J v C). Ce principe a notamment été invoqué pour justifier des transfusions sanguines pour les enfants dans les cas où cette intervention médicale nécessaire est contraire à leur religion (Re (E)), ainsi que le maintien du contact familial même lorsque cela pouvait conduire à l’ostracisation des enfants de leur groupe social (Re (M)). Cela démontre que le bien-être de l’enfant prime sur d’autres considérations politiques, et que le contact familial est d’une importance capitale. Il est indispensable que’on se demander pourquoi ce principe n’est pas appliqué avec la même rigueur lorsqu’il s’agit d’enfants migrants, d’autant plus que les droits de l’homme se veulent universels (selon l’ONU).

On pourrait soutenir qu’en raison du caractère hautement politisé de la question de l’immigration, la Cour cherche à éviter de prendre des décisions politiques. Cependant, selon Rozakis, il incombe aux tribunaux de protéger les droits fondamentaux, même si cela est impopulaire. En mettant l’accent sur des considérations politiques, la Cour prend en réalité une décision politique au lieu de faire respecter des droits juridiques clairs et justiciables.

À l’avenir, la Cour devrait examiner de plus près ces considérations politiques et se demander pourquoi les enfants migrants méritent moins une application stricte du principe de « l’intérêt supérieur » pour protéger leurs droits fondamentaux.

Share this:

Related Content

0 Comments

Submit a Comment