L’ambitieuse loi française sur les entreprises et les droits de l’homme sera mise à l’épreuve : l’affaire Yemen LNG

by | Apr 27, 2023

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About Christine Savino

Christine Savino is a Fulbright Scholar in Taiwan where she works on matters pertaining to cross-border displacement and international human rights. She was previously a visiting student at the University of Oxford where she studied international law.

Le 22 février 2023, groupe des droits MENA a intenté une action en justice devant un tribunal parisien contre TotalEnergies, l’une des plus grandes sociétés énergétiques françaises, pour non-respect de la loi française sur le devoir de vigilance. Cette loi de 2017 basée sur les Principes Directeurs des Nations Unies relatifs aux Entreprises et aux Droits de l’hommes Humains (PsDONU) exige que les entreprises françaises identifient et préviennent les violations des droits de l’homme au sein de leurs pratiques commerciales et de leurs chaînes d’approvisionnement.

Droits MENA représente deux hommes qui affirment avoir été détenus et torturés dans une usine de gaz de Bahalf qui a été utilisée comme prison au Yémen. Le groupe d’experts du Conseil des droits de humains des Nations Unies sur le Yémen a constaté en 2019 que l’usine faisait partie d’un réseau de détentions commettant des violations des droits humains telles que la détention arbitraire et la torture. L’usine est exploitée par Yemen LNG, et TotalEnergies est leur principal actionnaire.

Arguments

Le groupe des droits MENA allègue que TotalEnergies a ignoré « à plusieurs reprises les violations flagrantes des droits de l’hommes sur le site [Yemen LNG] ». TotalEnergies affirme être préoccupé par le site yéménite et respecter les droits de humains. Cependant, il fait valoir que parce qu’il « n’a pas de participation majoritaire »(plus de 40%), dans Yemen LNG, il n’est pas responsable des violations des droits de humains de l’entreprise. TotalEnergies détient actuellement une participation de 39,6% dans Yemen LNG.

L’argument sur la possession majoritaire a peu de chances d’aboutir, et il y a des arguments clés qui peuvent être avancés qui peuvent renforcer la cause des demandeurs pour cette raison. Outre les activités directes des sociétés, le statut s’applique aux potentielles « sociétés qu’il contrôle au sens de l’article L.233-16 II », ce qui inclut les organismes qu’il gère et/ou supervise. Yemen LNG désigne TotalEnergies comme son « chef de projet technique ». La loi de vigilance s’applique aux « opérations des sous-traitants ou fournisseurs avec lesquels elle entretient une relation commerciale établie », et TotalEnergies et Yemen LNG ont clairement cette relation, puisque TotalEnergies détient 39,6 % des actions de Yemen LNG, et en est donc « l’actionnaire principal ».

Le fait que Yemen LNG soit une société étrangère n’affectera pas la revendication. Le 23 octobre 2019, le premier procès français sur le devoir de diligence a été intenté lorsque diverses organisations non gouvernementales ont poursuivi TotalEnergies après avoir rejeté la mise en demeure de se conformer aux normes en matière de droits humains et d’environnement en vertu de la loi sur le devoir de vigilance dans son projet pétrolier de Tilenga en Ouganda. Cette affaire était la première en vertu de la loi de vigilance et a établison application aux opérations à l’étranger des entreprises françaises. L’affaire a été rejetée en raison d’erreurs de procédure le 28 février 2023, mais pourrait être déposée à nouveau dans un proche avenir.

Implications

Avec le licenciement de Tilenga, le Yemen LNG est en passe de devenir une affaire révolutionnaire en vertu de la loi de vigilance et un précédent majeur dans le droit français des droits de l’homme. Si la Cour accepte l’argument de non-contrôle de Total, les entreprises françaises seront désoblige si elles peuvent obtenir leurs actions à 39,9%, ce qui abroge vraisemblablement l’esprit de la loi française vigilance. L’application par le Court de la loi vigilance pour rejeter le non-contrôle élargirait ainsi la portée et l’efficacité de la loi.

Le précédent pourrait aller au-delà de la France et s’appliquer à la mise en œuvre de la directive de l’UE sur le devoir de diligence en matière de durabilité des entreprises. Le 23 février 2022, la Commission européenne a publié le projet de directive qui ressemble fortement à la loi française sur le devoir de vigilance. Si elle est adoptée, la loi s’appliquera à tous les États membres de l’UE et à l’UE, ainsi qu’aux entreprises non européennes qui s’y trouvent. Les deux englobent uniquement les grandes entreprises sur la base de mesures quantitatives établies telles que le nombre d’employés et exigent une diligence raisonnable des entreprises en matière de droits de l’homme et de responsabilités environnementales (y compris celles des filiales, des sous-traitants, etc.). Le tribunal de Paris devrait rejeter l’argument de non-contrôle de TotalEnergies: cela créerait un précédent  clé pour renforcer la protection des entreprises et des droits de l’homme en Europe.

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